Suite au scrutin du 13 octobre 2024, il paraît utile de partager une analyse originale (*) des résultats électoraux pour la commune de Stoumont, en répondant à la question suivante: est-il correct de comparer les 28 candidats des 3 listes électorales sur base du nombre des Votes de Préférence (VP) reçus par chaque candidat(e) ? Dans les paragraphes ci-dessous, l’auteur montre qu’une telle comparaison serait invalide, et propose une autre méthode pour comparer les candidats de toutes les listes électorales du scrutin de Stoumont sur base d’une unité commune, appelée « l’Equivalent Electeur Entier » (EEE).
Pour rappel, 3 listes électorales ont été constituées pour le scrutin 2024 à Stoumont: Intérêts Citoyens (IC), Stoumont Demain (SD) et VivrEnsemble (VE).
De nombreuses conclusions erronnées pourraient être tirées si une comparaison de tous les candidats sur base des VP était réalisée. En effet, cela mènerait à construire le tableau n°1 ci-dessous qui compare et classe – par ordre décroissant sur base des VP – les 28 candidats aux élections communales à Stoumont. Qu’observons-nous dans ce tableau ? Tout d’abord, que la somme des VP est égale à 7603 alors qu’il n’y a eu que 2160 bulletins de vote valables (ou électeurs ayant valablement voté). Ensuite, les 13 premiers candidats ne représentent pas les 13 candidats élus au conseil communal: Fabienne Lomba (SD) et Jeanne Malmendier (SD) ne sont pas élues, alors que Yvonne Vannerum (VE) et Coline Servaty (VE) sont élues conseillères communales. Enfin, au lendemain du scrutin, le groupe SD s’est précipité de communiquer que les « 6 dernières places » (voir cadre rouge) étaient occupées par ses « concurrents » (IC et VE). Ceci est en effet bien vérifié, mais dans un classement trompeur, comme expliqué ci-dessous.

Bien qu’une comparison de candidats sur base des VP au sein d’une même liste électorale peut être utile, une comparaison des VP entre différentes listes est fallacieuse et non pertinente. Tout d’abord, le nombre de votes en tête de liste (TDL) n’est pas pris en compte dans les VP pour chaque candidat individuel (voir chiffres en rouge dans le tableau n°2 ci-dessous). Si une liste ne recevait que des votes TDL, cela ne signifierait pas pour autant que ses candidats seraient désavoués, bien au contraire. Ensuite, il y a un type de vote différent selon la nature de la liste électorale. Dans une liste électorale pluraliste (exemple: VE qui représente les 4 partis démocratiques francophones et des candidats citoyens), un électeur va généralement faire un « vote sélectif » (ex: un électeur MR qui choisit VE est tenté de ne voter que pour les candidats MR sur la liste VE, un électeur PS qui choisit VE est tenté de ne voter que pour les candidats PS sur la liste VE, etc.). Dans une liste électorale plus homogène (exemple: Stoumont Demain qui est majoritairement MR et inclut quelques candidats citoyens), un électeur va plus facilement faire un « vote groupé » pour en moyenne plus de candidats. Ceci est démontré dans le tableau n°2 ci-dessous, et notamment via le calcul d’un coefficient K pour chaque liste, qui est le chiffre électoral (= le nombre d’électeurs) divisé par le nombre de VP.

Sur base du tableau n°2 ci-dessus, un VP sur la liste SD représente 0,2421 électeur (« un quart d’électeur ») alors qu’un VP sur la liste VE représente 0,3161 électeur (« un tiers d’électeur »). En d’autres termes, un électeur qui a voté pour le groupe SD a voté en moyenne pour 4 candidats sur la liste SD, alors qu’un électeur qui a voté pour le groupe VE a voté en moyenne pour 3 candidats sur la liste VE. Dans le cas de la liste IC, le nombre de TDL étant le plus élevé proportionnellement (39,66%), ceci explique pourquoi le coefficient K est supérieur à 1.
Une comparaison de tous les candidats des différentes listes nécessite donc une unité de mesure commune qui corrige les biais identifiés ci-dessus. Je propose ici une unité dite « l’Equivalent Electeur Entier » (EEE) qui est mesurée de la manière suivante: pour chaque candidat, on calcule le nombre EEE en multipliant le nombre de VP du candidat par le coefficient K de sa liste électorale (et on peut ensuite arrondir le résultat pour avoir un nombre entier). Par exemple, dans la liste VE, pour Didier Gilkinet: le score EEE = 609 x 0,3161 = 192,50 ~ 193. Dans la liste SD, pour Sophie Bronne, le score EEE = 418 x 0,2421 = 101,20 ~ 101. Dans la liste IC, pour Joel Beaupain, le score EEE = 29 x 1,2889 = 37,38 ~ 37. Le score EEE est calculé pour tous les candidats dans le tableau n°3 ci-dessous, où chaque résultat a été arrondi de sorte à avoir un nombre entier.

Que constate-t-on dans le classement de tous les candidats sur base de l’unité EEE ? Premièrement, la somme des EEE (non arrondis) est bien égale aux 2160 bulletins de vote valables (ou électeurs ayant valablement voté). Deuxièmement, les 13 premiers candidats sont les personnes élues effectivement au conseil communal. Troisièmement, les « 6 dernières places » du classement sont en réalité devenues les « 7 dernières places » (ie. situation d’ex aequo entre Frédéric Lecrenier et Jurgen Behling) et sont partagées de façon similaire par les 3 listes électorales. Par ailleurs, ce classement permet de relativiser l’illusion inflationniste des VP. Par exemple, il n’y a que 2 EEE entre Coline Servaty et Hindatou Ly, et c’est une différence bien minime: ce sont en effet seulement 2 électeurs (ou EEE) parmi 2160 qui expliquent que Coline Servaty est élue conseillère communale, et Hindatou Ly ne l’est pas.
En conclusion, dans les résultats d’un scrutin communal comme dans d’autres situations où des chiffres sont avancés, iI importe de toujours cultiver un esprit critique et de bien comprendre les chiffres avant de les interpréter parfois trop rapidement. Pour tout commentaire ou question au sujet de l’analyse ci-dessus, n’hésitez pas à nous contacter.
Christophe Lejeune
(*) Cette analyse n’engage que son auteur qui s’exprime ici à titre personnel.